La faucille, du blé à l'herbe
La faucille, un outil qui rend encore de bons services au jardin

L'apparition de la faucille remonte au néolithique. Les premiers agriculteurs inventent un instrument composé de plusieurs lames de silex insérées et collées avec de la résine dans la courbure d'une branche (dessin). Cette forme demi-circulaire, pratique pour grouper les tiges de céréales puis les trancher en manœuvrant la lame vers soi, sera pérennisée pour la fabrication des outils façonnés en bronze puis en fer.
Dans les civilisations agraires la faucille s'impose souvent comme symbole de la moisson et de la terre nourricière. L'iconographie antique et médiévale est riche de cette prédominance dans l'outillage rural. Le faucilleur prend un faisceau de blé sous les épis dans une main, et de l'autre, « scie » les tiges avec la lame finement dentée.
A partir du 18° siècle cet outil va progressivement décliner en occident au profit de la faux. Cette dernière, déjà connue pour couper le foin, est sans conteste plus expéditive pour les moissons, notamment lorsqu'elle est armée d'un râteau à javeler.
Cependant plusieurs facteurs vont faire perdurer l'usage de la faucille jusqu'au 20° siècle. Beaucoup moins onéreuse que la « faulx », l'instrument se maintient dans les petites exploitations ainsi que dans les contrées où la main d'œuvre est suffisamment abondante et bon marché; d'autant que l'on peut en confier le maniement aux femmes, aux enfants et aux vieillards. On privilégie également la faucille dans les champs médiocrement aplanis, où le bon faucheur refusera de casser le taillant de sa faux ou de sa sape. Enfin et surtout, la théorie agronomique qui reproche à ces deux derniers outils de secouer trop violemment les grains, pouvant causer une perte jusqu'au trentième de la récolte, restera, comme la mémoire des disettes, tenacement ancrée dans les esprits. Notons qu'en 1922, alors que les faucheuses et les moissonneuses se perfectionnent depuis plusieurs décennies, le Larousse Agricole admet, en décrivant notre instrument, que « lorsqu'il s'agit de couper des plantes dont les graines mûres tombent aisément, telles que le colza, on maintient encore son usage »
On ne peut consacrer un article à la faucille sans citer son proche cousin le volant (2 exemplaires en photo). Cet outil se manie différemment car sa lame, plus grande et plus épaisse, est rarement posée mais le plus souvent projetée sur les tiges; il résulte de cette action le même inconvénient d'égrenage des céréales décrit ci-avant.
Du blé à l'herbe la faucille perd ses dents et se fait plus légère. Rarement employée pour la fenaison si ce n'est sur de faibles étendues, elle est surtout associé à la ration des lapins prélevée dans la parcelle de luzerne ou sur le bord des chemins et les talus. Sa lame unie se bat comme celle de la faux, sur une enclumette, et s'aiguise avec une pierre.
Il existait jadis de nombreux modèles de faucilles (4 exemplaires en photo). Les lames, pouvant être coudées et renforcées par une côte, varient par leur longueur, largeur, épaisseur, ouverture de l'angle. Certaines sont spécialement conçues par le taillandier pour les betteraves, les fèves, le maïs, la bruyère, les roseaux, le pastel des teinturiers, et bien d'autres plantes qui par leur nature dicteront les caractéristiques de chaque outil. Cette diversité artisanale puis industrielle s'est estompée dans le deuxième quart du 20° siècle du fait de la mécanisation agricole.
Aujourd'hui cet instrument peut encore rendre de bons services au jardin. vous trouverez chez les outilleurs le volant à gazon, mais aussi des faucilles plus ou moins fortes, avec ou sans dents, pour nettoyer les petites surfaces enherbées ou broussailleuses. Son emploi s'avère productif pour couper les fanes des végétaux non ligneuses comme les pommes de terre ou les haricots, cueillir les fleurs par poignées, recéper les plantes aromatiques. Certains jardiniers la préfère au sécateur pour raser les platebandes de vivaces en fin d'automne. Cherchez encore et vous entreverrez d'autres opérations sous sa lame.
N'en doutons pas, la faucille mérite encore toute notre attention.
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