Le conservatoire du bégonia de Rochefort

La jolie ville de Rochefort, en Charente-Maritime, abrite le conservatoire du Bégonia, en l’occurrence la plus grande collection réunie en Europe, bien étoffée depuis le premier bégonia arrivé par la mer à Rochefort en 1690.

Des bégonias en fleurs toute l'année au Conservatoire de Rochefort
Des bégonias en fleurs toute l'année au Conservatoire de Rochefort © Véronique MACRELLE
Des bégonias en fleurs toute l'année au Conservatoire de Rochefort
Terrarium avec Begonia prismatocarpa var prismatocarpa-Begonia potamophila-Begonia microsperma
Begonia luxurians au Conservatoire de Rochefort
Serre du Conservatoire de Rochefort
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La plus grande collection d'Europe

La jolie ville de Rochefort, en Charente-Maritime, abrite le conservatoire du Bégonia, en l’occurrence la plus grande collection réunie en Europe, bien étoffée depuis le premier bégonia arrivé par la mer à Rochefort en 1690, puisqu’ils peuvent s’enorgueillir de maintenir en culture environ 500 espèces botaniques (les espèces sauvages) et plus de 1000 variétés, croisées et sélectionnées par l’homme : En effet, les bégonias qui sont des plantes légèrement succulentes souvent très ornementales, fascinent et échauffent la passion de nombreux collectionneurs depuis leur introduction en Europe, d’où la formidable quantité  de bégonias horticoles obtenus.

Ces serres municipales proposent une intéressante visite guidée de cette collection tout à fait remarquable : elle permet à la fois d’entrevoir la diversité de ce genre fascinant, d’élargir son horizon du bégonia tubéreux horticole couramment vendu et de cheminer agréablement durant une petite heure dans une ambiance tropicale et exotique.

Le genre Begonia

Le genre bégonia contient plus de 2000 espèces décrites, et sans doute encore quelques-unes non décrites. C’est pourquoi, visualiser le bégonia à fleurs d’une jardinière en entendant le mot bégonia est tout à fait réducteur.

Ce genre imposant montre une remarquable diversité de formes, des espèces rampantes, grimpantes, épiphytes ou terrestres, parfois tout à fait xérophytes (espèces de milieu sec), tubéreuses ou rhizomateuses, aux tiges dressées ou retombantes, des espèces minuscules ou géantes. Alors, qu’ont-elles en commun, ces plantes ?

  • des feuilles asymétriques, un peu succulentes, en fait mucilagineuses.

  • des tissus tendres et cassants, même quand il s’agit des tiges de bégonia bambou.

  • et la structure de leur fleur, bien sûr, comprenant 2 à 8 tépales : fleurs mâles et fleurs femelles séparées, mais sur le même pied (monoïque), le plus souvent regroupées en cimes dichotomiques. Si on y regarde de près, les fleurs femelles sont facilement différenciables grâce à leur ovaire infère bien visible.

Ambiance « serre à bégonia »

Le conservatoire du bégonia de Rochefort concerne principalement des bégonias de serre puisque la majorité des bégonias sont tropicaux ou subtropicaux, ce qui permet d’ailleurs de se plonger dans cette luxuriance même au mois de février !

La visite guidée se déroule en petit comité, limitée en nombre. Dès l’entrée dans la serre, nous sommes gagnés par son atmosphère exotique, surpris par une telle exubérance et ce foisonnement, alors de nous ne sommes entourés pratiquement que de bégonias : des bégonias du sol au plafond, minuscules ou imposants, entre lesquels nous cheminons. Leurs feuilles s’éparpillent à tous les niveaux, harmonieusement et régulièrement, disposées les unes par rapport aux autres sans se superposer, une caractéristique du genre.

Régulièrement, de petits nuages de fleurs égayent ce camaïeu de vert souvent épicé de pourpre, de rose, d’argent…

Des fleurs toute l’année

Tout au long de l’année, même au mois de février ou novembre, où le conservatoire est ouvert, vous pourrez profiter d’une profusion de fleurs, puisque parmi toutes ces plantes, il y en aura toujours des espèces et des hybrides en cours de floraison.

Chez les espèces botaniques, les fleurs sont généralement plus petites que chez les hybrides, elles sont le plus souvent blanches ou rosées, cependant quelques exceptions montrent des fleurs jaunes telles Begonia prismatocarpa var prismatocarpa (délicieuses petites fleurs à 2 pétales), ou d’un charmant orange vif, comme chez Begonia sutherlandii.

Certaines espèces et leurs descendants hybrides ont même des fleurs parfumées. Peut-être aurez-vous le privilège de pouvoir humer les fleurs oranges de Begonia dichroa, une espèce brésilienne de bégonia bambou.

Des espèces vraiment étonnantes

La stature imposante des bégonias bambusiformes, les bégonias bambous qui développent de longues cannes raides, apporte la touche verticale, la note arbustive, bien que ces cannes restent cassantes. Impressionnantes, elles peuvent pour certaines espèces s’élever de plusieurs mètres.

Dans leur milieu d’origine, ces bégonias à cannes développent de petites ventouses qui s’accrochent au tronc des arbres et montent ainsi jusqu’à la lumière.

Sur le marché des plantes d’intérieur, nous connaissons le Tamaya, un excellent et solide cultivar de bégonia bambou.

Mais ici, nous nous promenons par exemple sous Begonia aconitifolium et Begonia luxurians, remarquables et imposants bégonias bambous dont les feuilles sont palmées et divisées.

D’autres espèces, que l’on qualifie de rhizomateuse selon la classification morphologique américaine sont grimpantes ou retombantes (B. capillipes) et forment des murs végétaux enchevêtrés ou à l’inverse, plus compactes, elles dessinent une masse de feuilles, toujours joliment disposées les unes par rapport aux autres.

Il est étonnant de voir comme ces plantes parfois tout à fait énormes se contentent d’un petit pot de culture, un pot de 2 litres est habité par exemple par un bégonia bambusiforme bien fourni, haut de 2 m ! 

Les bégonias se plaisent, nous explique-t-on, dans un petit volume ; leurs racines sont habituellement contenues au creux des branches ou des roches, la plupart du temps. Un plus grand volume de terreau impliquerait un trop grand développement des racines au détriment des feuilles et des fleurs.

La diversité de couleurs est remarquable, allant du vert citron au noir, ils sont parfois très colorés, à la manière des coléus : rose vif (chez Begonia brevirimosa), tachetés d’argent, aux nervures contrastées (Begonia soli-mutata), ou encore des limbes vert vif bordés de rouge (Begonia scapigera). Il existe même dans ce genre des espèces dont les feuilles ont un reflet bleu métallisé (Begonia pavonina).

La forme des feuilles est encore plus variée : feuilles joliment et profondément gaufrées (Begonia gehrtii, du Brésil ou Begonia straudtii côté africain), rondes comme un nénuphar, anguleuses, allongées, palmées, découpées, minuscules comme chez Begonia foliosa var microphilla ou géantes. Leurs limbes peuvent être nus comme une peau de bébé, luisants ou mats, veloutés, pelucheux, couverts de poils ou de pustules colorées… jamais piquantes.

Des espèces parfois difficiles à classer parmi les bégonias au premier coup d’œil !

Begonia bipinnatifida une espèce aux tiges dressées avec des feuilles finement découpées, presque plumeuses, ressemble plutôt à une fougère pourprée jusqu’à ce qu’il fasse épanouir quelques fleurs rose tendre.

Begonia pteridiformis (qu’on peut traduire littéralement par « en forme de fougère ») originaire de Thaïlande, montre des tiges écartées les unes des autres, portant chacune 12 à 20 longues feuilles parfaitement espacées : difficile quand elle n’a pas de fleurs de ne pas confondre cette plante avec une fougère.

Surprenant aussi, le petit Begonia bogneri, très facile à confondre avec une touffe d’herbe un peu grasse.

Un bégonia panthère ? voici Begonia chlorosticta

Quant à Begonia pteridoides, c’est une étrange espèce vulnérable et micro-endémique qui vit sur les rochers moussus d’une petite île de Madagascar. Elle a été décrite très récemment, en 2017 : ses feuilles sont laciniées, fines et un peu divisées, rappelant plutôt une sélaginelle. Et lorsqu’elle fleurit, ses fleurs femelles, régulières et à 6 tépales libres rendent cette plante encore plus extraordinaire… un rêve de botaniste !

Des terrariums permettent de maintenir les espèces miniatures ou sensibles. C’est dans ces derniers qu’on peut admirer par exemple 3 jolies petites espèces africaines à fleurs jaunes : Begonia prismatocarpa var prismatocarpa provenant de la Guinée équatoriale, Begonia potamophila originaire du Cameroun, du Gabon, et du Congo et Begonia microsperma du Cameroun.

Les variétés hybrides : de fascinantes œuvres d’art végétales

Au cours des 3 siècles derniers, les passionnés de bégonias se sont ingéniés à jouer du pinceau pollinisateur pour créer de nouvelles plantes. La multiplicité de variétés est tout aussi fascinante : les hybrides ont été sélectionnés pour leur feuillage remarquable ou pour leurs fleurs plus grandes aux couleurs vives, parfois pour les 2 conjointement. Ils sont la plupart du temps bien plus faciles à maintenir en culture que les espèces, qui peuvent être très sensibles.

Ainsi les bégonias Rex sont de véritables œuvres d’art. Leur culture n’est pas toujours très facile, car ils sont sensibles au froid humide, mais ils restent des succès commerciaux, tant ils sont impressionnants. Certains sont entièrement roses ou argentés, d’autres ont des feuilles incroyablement panachées.

Begonia Rex 'Maid Marion' est un formidable bégonia Rex aux feuilles en double spirale, cette spirale est joliment mise en évidence puisque son limbe gris crémeux est bordé de rose vif.

Le bégonia Rex 'Hugh Mac Laughlan' aux feuilles richement colorées de rose et argent est l’une des variétés qui se croisent actuellement en jardinerie.

Autre plante spiralée, mais plus réduite, Begonia ‘Dark Manbo’, qui est noir velouté.

Une autre forme sombre Begonia 'Flo Belle Mosley’ arbore de grandes feuilles anguleuses pourpres et d’épaisses inflorescences roses.

Parmi les bégonias bambusiformes, les hybrideurs ont conçu quelques espèces nanifiées, mieux adaptés à nos intérieurs. Ainsi, nous pouvons observer ici Begonia ‘Ten'nyonomai’ à floraison blanche et luxuriante, et Begonia 'Amaterasu' qui associe un feuillage sombre et de nombreuses fleurs orange.

On reconnaîtra aussi dans les serres de Rochefort le fameux bégonia nénuphar Begonia x erythrophuylla, un hybride des plus faciles à cultiver, et qui s’est donc largement répandu chez quasiment toutes nos arrières-grand-mères (petite note nostalgique). Mais cet hybride primaire, tombé en désuétude, n’est finalement plus si facile à se procurer de nos jours.

Conclusion, si vous passez à Rochefort, n’hésitez donc pas à visiter la collection nationale du bégonia :

Pour peu qu’on aime les plantes, qu’on sache s’extasier sur l’inventivité de la nature, cette visite offre des surprises sans fin… Visiter le conservatoire du bégonia, c’est profiter du plaisir de pouvoir observer des espèces qu’on n’a jamais vues, et qui sont pour certaines en danger d’extinction. Chaque espèce s’est modelée au fil du temps en fonction de son milieu de vie pour s’adapter et cette pérégrination au milieu d’un unique genre, en plus d’en mettre plein les yeux, permet d’appréhender la complexité de la nature… et sa fragilité.

Article rédigé par Véronique MACRELLE

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