Histoires de sureau Depuis la préhistoire les plantes accompagnent les hommes dans leurs activités quotidiennes. Arbuste des lisières à la porte des habitats humains, le sureau a de multiples facettes. Nourricier, médicinal, utilitaire, artiste, il était autrefois lié aux forces protectrices, ou maléfiques, de la nature. Le sureau noir Facebook Twitter Pinterest Un compagnon proche Silhouette familière, le sureau noir, Sambucus nigra, se remarque dans les haies libres, les fonds de jardin, le long des chemins. Hôte des ruines, des maisons abandonnées au toit effondré, amateur de terres riches en azote, il suit l'homme dans son quotidien. Proche par son habitat, cet arbuste l'est aussi par ses utilisations. Ses larges plateaux de minuscules fleurs blanches, ses longues tiges creuses en jets, son tronc court, épais, tortueux ; mais aussi son feuillage, malodorant, son écorce marqué, et ses petits fruits sombres ; tout en lui s'utilise. De tout temps, les hommes ont apprécié ses multiples propriétés, avec prudence, inquiétude parfois, à juste dose, pour éviter d'éventuelles toxicités. Ils ont aussi appris à ne pas le confondre avec le sureau hièble, Sambucus ebulus, herbacée toxique. Recettes de sureau Mi-printemps, les inflorescences de sureau s'épanouissent. Réputées pour la limonade, les fleurs sont mises à macérer au soleil dans de l'eau avec du sucre, du citron, du vinaigre, elles composeront une agréable boisson pétillante. Cuites avec du sucre, un peu d'agar-agar, elles se dégusteront en gelée translucide. Trempées dans de la pâte, elles ressembleront aux beignets d'acacia, plus réputés. Fin d'été, les baies de sureau se récoltent. Crues, et peu matures, elles sont purgatives et vomitives. Mures, cuites avec du sucre ou du miel, elles serviront à préparer le rob de sureau, mi-confiture mi-sirop, très ancienne recette, au goût particulier. Elles participent aussi du sirop de grenadine, aux côtés des framboises, cassis, groseilles, fraises, citron. Et si fleurs et baies ne suffisaient pas, les très jeunes pousses se consommaient également, cuites à plusieurs eaux elles apparaissaient aux côtés des « herbes potagères ». Leurs propriétés médicinales donnaient alors à la recette une allure d'ordonnance de médecin. Propriétés médicinales Le sureau liste de nombreuses propriétés médicinales, des feuilles, aux fleurs, aux fruits, à l'écorce interne, il concentre pour un seul arbuste de nombreuses substances actives. A utiliser avec précautions, et des dosages justes, les intoxications étant réelles. Tout usage de plantes médicinales nécessitent des conseils avisés, le sureau le rappelle par la diversité de ses actions, différentes selon les parties de la plante utilisées, leur état, frais, sec, cuit. A titre indicatif, et la liste est loin d'être complète, le sureau est purgatif, diurétique, sudorifique, antirhumatismal, pectoral, dermatologique, analgésique, cicatrisant ; l'infusion des fleurs sèches s'utilise en collyre. Les usages sont internes, tisanes ou décoctions, externes, en cataplasme. Simplement, et sans risque, les feuilles froissées s'utilisent pour apaiser les piqûres. Utilisations du sureau Le jardinier trouvera dans le purin de feuilles de sureau un précieux allié pour repousser punaises, pucerons, chenilles, cochenilles, petits mammifères, campagnols et taupes. Il profitera des propriétés anti-fongiques des fleurs séchées pour la conservation des pommes, avec un agréable effet secondaire, de transmission d'un petit goût d'ananas. Les mêmes fleurs, récoltées en corymbe et séchées entières au printemps, agiront comme anti-germinatif pour les pommes de terre. Les artisans du bois délaisseront ses tiges cassantes, creuses, mais apprécieront le vieux bois du tronc, dur, dense, fin, utilisé à d'autres époques par les tourneurs et les tabletiers. Et si la moelle des rameaux sert encore aux préparations microscopiques, les enfants buissonniers l'extrayaient pour récupérer de longs tubes creux, à vocations multiples, flûtes ou sarbacanes. L'arbuste des artistes Plante musicienne, le sureau se transforme en quelques minutes en flûte, mirliton, sifflet. Ses branches sont débarrassées de leur moelle tendre interne et le tube ainsi obtenu, avec encoche en biseau, membrane, astuces de musicien des buissons, devient l'instrument désiré. Ou l'appeau, pour attirer les oiseaux. Muni d'un piston à son extrémité, le sifflet de sureau module son chant, la grive s'y méprend...Autre utilité de la tige creuse du sureau, appréciée des enfants, la sarbacane, mais aussi le pétard ou pétoire, la seringue à eau. Jeux de plantes, oubliés aux coins des vieilles haies. Pour l'artiste écrivain, dessinateur, le sureau offrira l'encre extraite de ses petits fruits noirs. Broyés, macérés, mélangés à du thé, de l'alun et de la gomme arabique, réduits, ces fruits sur papier ont des nuances à découvrir. Les tissus profiteront également de ces propriétés tinctoriales, bien que le sureau hièble, Sambucus ebulus, semble plus adapté. Quelques histoires... Le parfum nocturne des fleurs de sureau, apprécié, ou pas, est irrésistible, fait perdre les sens... Judas fut pendu dans un sureau, après quoi les fruits auraient pris leur amertume. Au Moyen-Age dans les Pyrénées, il fallait monter dans un sureau pour invoquer le diable. La baguette magique de Harry Potter est de sureau. Pour couper un rameau destiné à fabriquer une baguette ou une flûte magique, il fallait attendre que les cloches sonnent, les démons redoutant leur son. Autant de régions, autant d'histoires et de légendes dans l'imaginaire des hommes. Le sureau, arbuste à multiples visages, était plutôt bénéfique et protecteur dans les pays du Nord, plus ambigu, voire maléfique, dans les régions Ouest. Rares sont les plantes à offrir autant d'utilités que le sureau. Et puis il s'installe volontiers près des habitats humains, pousse vigoureusement. Gîte et couvert sont offerts aux oiseaux, insectes, araignées, favorisant une biodiversité bienvenue. Il se dit même que les fées s'y réfugient, déçues par le Monde...