Poèmes sur l'hiver
Les saisons ont inspiré de nombreux poètes, voici une toute petite sélection sur le thème de l'hiver.

La neige
La neige, se dit-il, est blanche et molle comme un amour révolu.
Elle tombe inopinément durant la nuit, dans tout son docte silence.
Au matin, la ville sanctifiée brillait toute blanche.
Une vieille cruche, rejetée dans la cour, était une statue.
Il ressentit le froid tranchant de la glace, l’immensité de la blancheur, comme un exploit personnel ;
un instant seulement il se troubla : peut-être ne lui restait-il
plus rien de chaud qu’il puisse rendre de glace, peut-être n’était-ce là
une victoire de la neige, mais tout bonnement une paix neutre,
une liberté sans rival et sans gloire.
Il sortit dans la rue, perplexe, et voyant le bonhomme de neige
que faisaient les enfants, il s’en approcha et lui mit en guise d’yeux deux charbons éteints ;
il eut un sourire vague et se battit avec eux à boules de neige jusqu’au soir.
Yannis RITSOS
En hiver la terre pleure
En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.
Leurs idylles sont moroses.
- Soleil ! aimons ! - Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
- Astre, où donc sont tes rayons ?
Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! -
Et la fait en s'en allant ;
Comme un amant qui retire
Chaque jour son coeur du noeud,
Et, ne sachant plus que dire,
S'en va le plus tôt qu'il peut.
Victor HUGO
Le merle
Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.
C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.
Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.
Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.
Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.
Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.
Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.
A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !
Théophile GAUTIER
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