Les champignons spécialisés dans la dégradation du bois mort
Dans les forêts, un discret mais performant équilibre s'est installé au fil des millénaires. La mort des animaux ou des végétaux n'est que le début d'un lent processus de dégradation qui va permettre de nourrir le sol et former le bel humus présent dans cet écosystème spécifique.

De la pédofaune, aux bactéries, chacun a son rôle à jouer dans ce processus, et notamment, les champignons qui aident à dégrader le bois mort, dont le rôle est majeur.
Composition du bois
Le bois est un matériau très durable, constitué de polymères de glucides, dont la cellulose, un matériau fibreux, ainsi que d'hémicellulose qui permet de structurer l'ensemble. Le monolignol, assure quant à lui la rigidité du bois.
Dense et dur, le bois est difficile à dégrader, mis à part par les insectes xylophages qui peuvent s'attaquer à des bois de moyennes dureté.
Pourtant, plus petits, certains micro-organismes très efficaces assurent la dégradation du bois mort avec une belle efficacité ; certes, certaines bactéries peuvent participer au processus, mais ce sont les champignons qui demeurent les acteurs majeurs de la transformation du bois mort.
On parle alors de champignons ligninolithyques, car ils sont capables de produire des enzymes permettant de recycler cette matière organique qu'est le bois.
Comment reconnaître les champignons qui dégradent le bois ?
Les champignons permettant le bio-recyclage du bois peuvent se rencontrer de manière visible sous la forme de leurs carpophores (fruits), c'est-à-dire de leur structure aérienne responsable de la production et de la dispersion de leurs spores.
On les rencontre cependant plus souvent sous la forme de filaments mycéliens blancs qui se développent à la surface du bois, mais aussi entre ses fibres, ainsi que sous la forme de croûtes.
Comment les champignons dégradent-ils le bois ?
Les champignons ligninolithyques, comme nous l'avons vu, sont capables de produire des enzymes de dégradation sur les polymères de glucides constituant la cellulose du bois. En échange, les sucres simples obtenus par ce processus vont nourrir les champignons, mais aussi d'autres micro-organismes présents dans le sol, facilitant ainsi la dégradation de matière organique.
Ces champignons vivent dans un univers qui leur est potentiellement hostile en bien des points :
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la lignine est hydrophobe, les champignons ont pourtant besoin d'eau pour se développer ;
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le bois produit des composantes antifongiques sous la forme de molécules complexes d'origine aromatique, toxiques pour les champignons afin de se protéger de leur action de dégradation.
Pour survivre et se nourrir, ces champignons ont développé un système de protection et de détoxication, comme par exemple limiter l'entrée des molécules toxiques dans leurs cellules. Ces dernières seront soit dégradées par des enzymes spécifiques, soit leur entrée sera limitée par le développement d'une enveloppe protectrice constituée de polysaccharides autour du mycélium.
Il existe deux grandes familles de champignons capables de transformer le bois :
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les champignons dits de 'pourriture blanche' ont pour spécificité de sécréter des enzymes qui dégradent la lignine, puis la minéralisent en CO2. Ils sont bien visibles sur le bois, puisqu'ils se matérialisent par un amas blanchâtre. Ces champignons existent depuis 350 millions d'années et ont permis un bien meilleur recyclage du carbone grâce à leur énorme capacité à dégrader le bois. Ainsi, le stockage du carbone sous la forme de charbon a été limité dans les sols, le CO2 étant dès lors relâché dans l'atmosphère ;
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les champignons dits 'de pourriture brune', moins visibles sur le bois, ne peuvent pas minéraliser la lignine. Apparus plus tard dans le cycle de l'évolution, ils ont développé une nouvelle fonction complémentaire et plus économique pour les cellules en modifiant 'simplement' la structure chimique de la lignine.
Intérêts des champignons ligninolithyques
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Outre leur habileté à dégrader le bois mort, ces champignons saprophytes, assurent un recyclage du carbone qui serait sinon emprisonné dans ses fibres et ne serait pas accessible sans leur action.
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Ils produisent également des sucres essentiels à la nutrition des autres micro-organismes et de la micro-faune du sol. Ainsi, ils aident à créer des habitats riches en nutriments pour toute une variété d'organismes, y compris d'autres champignons, des invertébrés, des insectes, mais aussi des bactéries, des champignons mycorhiziens, et même parfois des petits mammifères. Grâce à la création de ces habitats, les écosystèmes forestiers fourmillent de niches écologiques essentielles dans ce bel équilibre si fragile.
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En dégradant le bois, les champignons lignicoles (qui vivent dans le bois) contribuent à libérer les éléments nutritifs emprisonnés dans cette matière organique, tels que le carbone, le phosphore et bien d'autres minéraux. Ces éléments sont ensuite disponibles pour être réutilisés par d'autres organismes vivants dans les forêts, lorsqu'elles sont laissées à l'état naturel ou gérée de manière responsable. Moins l'intervention de l'Homme est importante dans les forêts, plus la biodiversité est grande et l'écosystème équilibré.
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Au niveau de la nature des sols, ces champignons par leur processus de recyclage du bois mort, favorisent la formation d'une structure stable et fertile, améliorant ainsi la rétention d'eau, la perméabilité et protégeant également de l'érosion.
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Acteurs essentiels dans le fonctionnement des écosystèmes forestiers, ces champignons permettent à d'autres champignons d'établir des relations symbiotiques avec les racines des plantes, formant des associations appelées mycorhizes. Ces symbioses améliorent la capacité des plantes à absorber l'eau et les nutriments du sol, augmentant ainsi leur croissance et leur résistance aux stress environnementaux.
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