Le huitlacoche, un charbon du maïs « monstrueux » devenu délice
Se fier aux apparences peut être trompeur, voilà la leçon que nous donne le huitlacoche, un maïs charbon très particulier à l'aspect fort peu ragoutant. De prime abord, personne ne serait enclin à goûter cette monstruosité de la nature aux boursouflures noirâtres proéminentes et pourtant, il est considéré comme un met extrêmement goûteux au Mexique ainsi que par les chefs renommés qui le cuisinent.

Qu'est-ce-que le huitlacoche ?
Le huitlacoche est un mot mexicain désignant des grains de maïs infectés par un champignon pathogène nommé Ustilago maydis ou plus communément 'charbon du maïs'.
Voilà qui ne donne pas forcément envie de consommer ce produit pourtant considéré comme haut de gamme en gastronomie, le plaçant au niveau de la truffe ou du caviar.
Les attaques de ce champignon peuvent se propager sur toute la plante lui donnant un aspect brûlé. Sur les grains, l'action du champignon est encore plus visible : prenant des formes monstrueuses, une couleur gris-verdâtre et regorgeant d'une sorte de poudre noire, les grains atteints ne titillent en aucun cas la fibre de la gourmandise et pourtant !
En France on le targue de surnoms évocateurs qui donneraient presque envie de le manger ; 'caviar aztèque' et 'truffe mexicaine' sonnent effectivement bien mieux à l'oreille et sur une carte que 'maïs moisi'.
Le huitlacoche, un maïs aux multiples intérêts
Au niveau nutritionnel ce maïs transformé par le champignon présente bien plus d'intérêts que le maïs classique : il est très riche en protéines, en glucides, en calcium et en lysine, un acide aminé essentiel.
Il aurait également des propriétés médicinales grâce à son action anti-inflammatoire et régulatrice des fonctions immunitaires.
Le huitlacoche est bien sûr très prisé en cuisine. Délicieux et très fin, ce mets d'exception peut être comparé au niveau du goût à celui du cèpe avec une note légèrement fumée, piquante, parfois boisée et terreuse. On note également en arrière-plan, une douce saveur de vanille due à la vanilline qu'il contient, mais également un goût de caramel grâce à sa teneur en sotolone. Un étrange mélange qui fait du huitlacoche un produit de luxe au Mexique apprécié dans la haute gastronomie et introduit sur les grandes tables françaises par Enrique Casarrubias chef du Oxte à Paris. Passé par les cuisines du Crillon et du George V, ce mexicain d'origine a su présenter et imposer avec brio ce produit peu ragoutant à première vue.
Au Mexique, le huitlacoche est traditionnellement cuisiné en accompagnement de quesilladas ou de tacos mais aussi en soupes.
Très fraîchement récolté, soit deux à trois semaines après la contamination par le champignon, il peut être dégusté cru pour ressentir pleinement tous ses arômes délicats et profiter de sa texture juteuse et veloutée. Il peut ainsi être marié avec une salade de maïs classique, ou avec de la patate douce et de la carotte.
Consommé cuit, sauté dans du beurre et de l'ail comme on le ferait avec une poignée de champignons, il révèle toutes ses saveurs. Préparé en sauce ou réduit en mousse vaporeuse, il accompagne les plats avec originalité ; il s'associe particulièrement bien avec du lait de coco, et peut venir aromatiser du beurre avec fantaisie dans les sauces accompagnant le poisson.
Un espoir pour les producteurs bio
En agriculture intensive, Ustilago maydis est considéré comme nuisible aux cultures et pour cause ! Une fois le champignon introduit dans un champs par le biais des spores transportées par le vent et la pluie, il est très difficile de s'en débarrasser car le champignon hiverne dans le sol ou dans les résidus de récoltes, il peut survivre à la sécheresse comme au gel.
Les grandes firmes ont donc rivalisé d'ingéniosité pour créer des hybrides résistants à cette maladie et des fongicides de plus en plus efficaces pour traiter les parcelles car le champignon est difficilement éradicable. Le cercle vicieux de l'agriculture intensive est une fois de plus lancé : le champignon est boosté par des apports excessifs en engrais azotés, également par une densité de culture excessive, par la monoculture et par l'utilisation de machines toujours plus imposantes qui laissent des blessures sur les feuilles ou les soies, véritables portes ouvertes au champignon.
En agriculture bio, le cahier des charge étant bien plus pointu et empêchant l'utilisation de ce type de produits, une attaque du champignon peut donc être synonyme de la perte d'une partie de la récolte. Les petites exploitations travaillant de manière durable pourraient donc exploiter le filon du huitlacoche pour complémenter leurs revenus et transformer un agent pathogène considéré comme nuisible en bénédiction. Il s'agirait de recycler un produit qui aurait dû être détruit par le feu (seule manière d'éradiquer l'agent pathogène) et de le valoriser au lieu de le jeter.
Sur le marché un kilo de ce maïs très particulier est vendu jusqu'à 40 dollars ! Tout le monde y trouverait alors son compte : les petits exploitants locaux qui pourraient vendre un produit rare et très recherché, les chefs restaurateurs aux alentours qui proposeraient ainsi un produit d'exception et les consommateurs férus de délices culinaires et de nouveautés !
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