Le crapaud accoucheur, le joueur de flûteau des jardins
Il sort de ses caches au crépuscule, se confond avec la terre. Nul ne soupçonne sa présence,jusqu'au soir où résonne une note flûtée, près du vieux mur. A intervalle régulier, elle s'élève tout au long de la nuit. Le crapaud accoucheur a élu domicile dans le jardin.

Un amphibien petit et trapu
Le crapaud accoucheur, Alytes obstetricans, reste bien plus petit que le crapaud commun. Il mesure 3 à 4 cm en moyenne, tout au plus 5 cm. Plutôt trapu, il s'aplatit au sol en cas de danger, sa peau granuleuse couleur de terre lui offre une tenue de camouflage parfaite. Défensive de surcroît, avec un venin répulsif efficace. Le promeneur nocturne chanceux observera ses yeux proéminents, au centre desquels se dilate, se rétrécit, selon la lumière, une pupille verticale. Caractéristique qu'il ne partagera qu'avec les Pélobates, « crapauds à couteaux » fouisseurs. Et surtout le promeneur très chanceux verra, une nuit de printemps, le mâle Alyte cheminer vers une mare, portant sur son dos un amas d'œufs prêts à éclore.
Le crapaud « accoucheur »
Un crapaud portant ses œufs... Comportement unique et fascinant. Début printemps, l'Alyte sort de son abri souterrain où son corps à sang froid s'est protégé des rigueurs de l'hiver. Sans attendre, son chant résonne dans la nuit. Un « tou » flûté sélève dans la nuit, à intervalles réguliers, les chants de plusieurs individus peuvent se mêler en une symphonie étonnante.
Posté sur une taupinière, une touffe d'herbe, le mâle attend une femelle, attirée par ses vocalises. Ils resteront à terre pour l'accouplement, le mâle se issant sur le dos de la femelle, la massant doucement pour l'inciter à pondre. Elle émettra entre 30 et 40 œufs, soigneusement fécondés puis recueillis, enroulés, sur les pattes arrière du mâle.
Des œufs sous haute surveillance
Ses premiers petits bien calés autour de ses pattes postérieures, l'Alyte repart sur son promontoire, reprend son chant nocturne. Une, puis deux femelles viennent, il pourra ainsi recueillir une centaine d'œufs avant de s'installer dans les meilleures conditions pour les voir grandir. Ils ont besoin d'humidité, mais pas trop. D'une température douce et constante. Trois semaines durant, l'Alyte restera dans un terrier, une cache appropriée. Un jour, juste au bon moment, il se met en route. Vers sa mare natale, qu'il a quitté depuis 2, 3 ans, sans jamais y remettre un bout de patte. Lui seul d'ailleurs y reviendra, pour mettre ses têtards à l'eau, les femelles resteront terrestres durant leurs 5 années de vie.
Des têtards agiles et robustes
Parvenu à destination, le crapaud accoucheur se glisse dans l'eau. Le minutage était précis, les œufs se fendent, les petits têtards filent dans l'eau. A toute vitesse. Agiles et robustes, ils partent de suite en chasse. Carnivores, toutes proies passant à leur portée sera avalée, tout comme les cadavres. Le père, rassuré sur le sort de ses vigoureux petits, se remet en quête de femelles prêtes à pondre...
Nés au printemps, les têtards se métamorphoseront rapidement, 3 mois leur suffiront. Mais les pontes se succéderont jusqu'à l'été, et l'eau devenant progressivement plus froide les métamorphoses se prolongeront... Les têtards devront alors hiberner sous l'eau. Ils finiront leur métamorphose au cours du printemps suivant, atteignant des tailles record, jusqu'à 9 cm... Mais uniquement pour les survivants qui auront réussi à échapper aux Dytiques, Ranâtres, musaraigne aquatique...
Du têtard à l'adulte
Après métamorphose, les jeunes adultes s'éloignent de la mare. Ils rechercheront des espaces dégagés, ensoleillés, près des maisons, dans les gravières abandonnées, avec des pierres et autant de caches possibles. Ils prospecteront au crépuscule et durant.la nuit pour se nourrir d'araignées, scarabées, larves d'insectes, limaces, vers, chenilles et même cochenilles. Ils attraperont leurs proies en les gobant, leur langue ne pouvant jaillir pour les saisir à distance.
Le crapaud accoucheur prend particulièrement soin de ses petits, peu nombreux, favorisant leur survie tout au long de leur développement. Pourtant ses populations régressent, ses habitats sont menacés. Noté en préoccupation mineure dans de nombreux départements, l'Alyte accoucheur est une espèce quasi-menacée, vulnérable et même en danger dans plusieurs régions, notamment en Alsace et Midi-Pyrénées.
Liste UICN: https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/197/tab/statut
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