Arbre têtard et trogne au jardin, ou comment produire son bois ?

Vous désirez un arbre, mais vous hésitez parce que votre jardin n’est pas très grand ? Pensez aux trognes : la taille en têtard réduit la stature de l’essence choisie et permet de récolter du bois assez rapidement. Ombre, fraîcheur, bois : vous pourrez tout avoir en taillant votre arbre en têtard.

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La trogne ou arbre têtard est issue d’une technique ancestrale de taille pour exploiter le bois sans tuer l’arbre. Ces arbres modelés par l’homme, parfois des spécimens très anciens, rythment les paysages de bocage qui sont encore préservés.

Entre la crise énergétique, la crise climatique et les tentatives pour préserver la biodiversité, l’exploitation du bois des arbres têtards, excellent compromis écologique, est aujourd’hui remise à l’ordre du jour.

Cette taille en têtard, très facile, est d’autant plus intéressante qu’elle est tout à fait à la portée du particulier. Elle permet d’accueillir toute sorte d’essence, même dans des espaces exigus, puisque la conduire en têtard limite l’espèce en hauteur et en envergure.

En créant un arbre têtard dans votre jardin, vous bénéficierez de son ombre, de son effet régulateur au niveau température et hygrométrie du sol, car on sait aujourd’hui qu’un arbre crée autour de lui un microclimat plus favorable, et enfin vous ferez un petit geste pour la biodiversité, car la trogne devient une zone plus riche en créant l’habitat de nombreuses espèces.

En plus, toutes les quelques années, il vous fournira du bois : un peu de quoi réduire les factures d’énergie.

Qu’est-ce qu’un arbre têtard ?

Les trognes les plus fréquentes sont les saules têtards souvent menés à partir des espèces Salix alba et Salix fragilis. Mais en fait, presque toutes les essences d’arbres feuillues peuvent être transformées en arbre têtard : chêne, frêne, érable champêtre, eucalyptus, châtaignier, platane, paulownia, aulnes, tilleul, mûrier, peuplier… (liste non exhaustive)

Un arbre têtard n’est donc pas une espèce d’arbre, mais une forme « en têtard », liée à la manière dont on le taille. On n’achète pas un arbre têtard, on transforme un arbre en têtard.

D’ailleurs, cette coupe sévère qui en fait des trognes rallonge leur durée de vie. Ces arbres vivent en effet plusieurs centaines d’années. Les arbres vénérables en France sont souvent des arbres têtards, et non pas des « hauts-jets ».

L’arbre têtard montre un tronc court et très épais, surmonté de bourrelets d’où partent de multiples branches.

Il a été étête à une hauteur comprise entre 1 m et 2,5 m, hauteur où se forment le bourrelet cicatriciel. Ses branches sont exploitées pour le bois de chauffe, donc taillées au ras du bourrelet, tous les 3 à 15 ans. Une nouvelle croissance très vigoureuse les remplace rapidement après la taille.

Arbres tétards fraichement taillés@Farantsa/stock.adobe.com
Arbres tétards fraîchement taillés@Farantsa/stock.adobe.com

Comment obtenir un arbre têtard dans son jardin ?

1- Choisir une espèce et la planter

À 2 m minimum de la limite séparative, entre novembre et mars, il faut planter un jeune arbre en tige, ou planter une bouture épaisse (concerne les saules). En effet, pour planter le saule blanc, quand il en faut beaucoup, une technique consiste à enfoncer à la masse une tige épaisse dont la base a été taillée en pointe, et elle se bouture !

Ou éventuellement, transformer en têtard un arbre déjà présent. C’est possible tant que le diamètre du tronc ne dépasse pas 15 cm. Un pommier dont la greffe est morte, et un peu trop épais pour être regreffé, fait un excellent candidat pour devenir un pommier têtard.

2- Etêtage

Lorsque son tronc mesure environ 5 cm de diamètre, il est étêté, à 2 m, jusqu’à 2,50 m au plus haut. c’est la hauteur de laquelle va partir le branchage. On peut choisir une hauteur plus basse, la taille à hauteur de coude est plus aisée, mais dans un jardin comme on aime pouvoir passer autour.

3- Formation du bourrelet cicatriciel

Les jeunes branches repoussent vite après la coupe. Chaque année durant 4 années, elles seront coupées pour faire épaissir un bourrelet cicatriciel. Faire épaissir le bourrelet cicatriciel est primordial pour la solidité future de l’arbre en trogne.

Attention, certaines espèces, comme le chêne, ont besoin qu’on leur laisse un tire-sève, soit une seule des petites branches ; on la taillera un peu plus tard, dès que les nouvelles croissances ont bourgeonné au niveau du bourrelet

4- Exploitation du bois de chauffe

Une fois que le bourrelet cicatriciel est bien formé, en général 4 ans après l’étêtage, on laisse les branches s’épaissir en vue de récolter plus de bois. Ainsi les branches de l’arbre têtard seront exploitées tous les 3 à 15 ans, en fonction de la vitesse de croissance de l’essence choisie, et aussi en fonction de l’épaisseur des bûches que vous désirez.

En effet, des branches pas trop épaisses sont plus faciles à couper, puis les bûches sont plus faciles à manipuler. Enfin, elles doivent être adaptées en taille et épaisseur au feu de bois que vous avez installé chez vous. En tant que particulier, on cherche ici non pas une rentabilité optimum et systématique, mais plutôt un confort à l’usage.

À titre d’exemple : un saule blanc ou un aulne croît rapidement et peut être taillé tous les 3 à 6 ans.

À noter : 15 ans entre chaque coupe, c’est le maximum, car des branches qui s’épaississent trop vont fragiliser le tronc.

Quand peut-on tailler ses arbres têtards ?

Toutes les tailles se font pendant la saison de repos de l’arbre ; quand il n’a pas de feuilles, qu’il n’a pas encore débourré et hors période de gel. C’est-à-dire entre mi-novembre et mi-mars.

Utilisation : tout peut servir

Les fines branches

Les tiges fines des premières années peuvent servir à faire du tressage : autour d’un potager surélevé par exemple ou pour limiter joliment un massif. Elles font également d’excellents tuteurs, dont on a toujours besoin si l’on jardine un peu.

Si vous avez l’âme artistique, le saule peut se transformer en osier. Ou avec les fines tiges souples, vous pouvez aussi dessiner des supports à clématites ou autres plantes grimpantes, ou encore fabriquer des cloisons séparatives artisanales pour le jardin.

La manie vient vite de bricoler des aménagements originaux pour le jardin : ce ne sont pas les idées qui manquent sur internet.

Les perches de pommier font d’excellents manches à d’outil.

Les cimes trop fines sont laissées à sécher pendant quelques semaines puis passées au broyeur ; ce BRF maison est un excellent paillage, leur lignine permet au sol de s’enrichir en matière humifère et aide au processus d’amendement, notamment pour retenir les matières nutritives des engrais biologiques à disposition des racines.

Si vous n’avez pas de broyeur, elles se décomposent au contact de la terre, mais en plus longtemps. En attendant qu’elles se décomposent, elles peuvent rendre service, étalées sur les allées du potager, ce qui évite de s’enfoncer dans la terre.

Le bois de chauffe

Le bois fraîchement coupé est vert, il fait donc un médiocre combustible. Il devient très efficace pour chauffer quand il a séché à l’abri de la pluie pendant 2 ans. Il faut donc prévoir de le stocker.

Le saule pousse rapidement, mais génère moins de calories à la combustion que du pommier ou du chêne. Çà peut rentrer en ligne de compte lors du choix de l’espèce.

Peut-on espérer une autonomie de chauffage ?

Admettons qu’on possède des arbres têtards à tailler tous les 6 ans. Chacun produisant 1,5 stère de bois, et qu’il faut 6 stères par an pour être autonome. Il vous faudrait donc 4 arbres têtards à couper par année, soit 18 arbres en tout.

Il est préférable qu’ils soient espacés de 6 à 10 m, donc cela demande déjà une belle petite parcelle. Cependant on voit parfois des alignements sur les bords de la route parfois bien plus denses.

Donc à moins de disposer d’une belle surface à boiser, pour le particulier les têtards seront plutôt un appoint, où, juste ce qu’il faut pour faire cuire ses pizzas au feu de bois.

La trogne et l’écologie 

Biodiversité

A lui tout seul, l’arbre têtard devient un milieu naturel à part entière. Le vieil arbre têtard recèle nombre de niches écologiques qui ont beaucoup régressé voire, sont presque disparus dans nos paysages trop urbanisés ou notre campagne trop maîtrisée.

En plus de son houppier qui attirent les passereaux comme n’importe quel arbre, ses cicatrices successives fond épaissir un bourrelet, où il apparaît des fissures et son tronc se creusent, créant un habitat pour de divers oiseaux (chouette chevêche ou troglodytes par exemple), des mammifères et des insectes. Même quelques petites plantes poussent parfois dans les poches de terreau (feuilles décomposées) dans les creux.

Et au niveau racinaire, même si on ne voit rien, il se passe aussi plein de choses. Les racines de l’arbre sont en relation avec de nombreuses espèces du sol.

Régulateur climatique

Chaque arbre joue un rôle de régulateur climatique autour de lui. Il adoucit les excès en température, en chaud comme en froid, ainsi que les excès au niveau hydrique : draine lors de fortes pluies, retient le sol, et permet à la terre de moins se dessécher en cas de sécheresse, d’où l’usage de l’arbre (têtard ou autre) comme arbre de service en agroforesterie.

Malgré un ancien a priori qui affirmait qu’un arbre concurrençait les autres plantes en absorbant toute l’eau disponible de la terre, l’inverse est aujourd’hui démontré : dans la plupart des cas les racines des arbres apportent de l’eau à la disposition des plantes herbacées environnantes.

N’hésitez donc plus à planter des arbres !

Article rédigé par Véronique MACRELLE

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