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Le dragon jaune, un risque majeur pour les agrumes

Une bactérie associée à un insecte serait en passe d'arriver en Europe et de détruire les cultures d'agrumes, comme elle l'a déjà fait en Chine et aux États-Unis au début de notre siècle. Une vigilance accrue est recommandée afin de stopper cette terrible épidémie pouvant décimer très rapidement ce type de cultures.

Le dragon jaune, un risque majeur pour les agrumes
Le dragon jaune, un risque majeur pour les agrumes © Au Jardin

Qu'est-ce que le dragon jaune ?

Depuis le début des années 2000, les producteurs d'agrumes du monde entier tremblent pour leurs cultures face à une maladie redoutable qui provoque des dégâts terribles sur les citronniers, limettiers, pamplemoussiers, orangers et autres agrumes.

Le HLB (1), autrement nommé 'Maladie de Huanglongbing' ou 'Greening des agrumes', sévit avec virulence dans le monde.

Meurtrière, la maladie provoquée par trois espèces de bactéries intracellulaires du genre Candidatus Liberibacter, est déjà largement répandue sur la majorité de la planète. Seuls quelques pays et régions comme l’Australie, la Nouvelle Zélande et le pourtour méditerranéen étaient encore épargnés jusqu'alors.

Chacune des bactéries trouve son origine dans une partie du monde bien particulière :

  • Candidatus Liberibacter asiaticus en Asie, la maladie est alors dénommée CLas, elle est reconnue comme la souche la plus virulente.

  • Candidatus Liberibacter africanus en Afrique où la maladie est connue sous le nom de CLaf,

  • Candidatus Liberibacter americanus ou CLam qui sévit en Amérique.

Lorsqu'elles sont importées par le transport de matériel végétal infecté, ces bactéries ont une forte propension d'adaptation et peuvent donc contaminer les vergers d'agrumes des autres pays.

Propagation du dragon jaune

Ces bactéries sont vectorisées par de petits insectes piqueurs/suceurs : les psylles (Diaphorina citri et Trioza erytreae) mais la maladie se propage également lors du greffage des plantes et, comme nous l'avons vu plus haut, lors de l'importation de matériel végétal contaminé.

La maladie peut demeurer latente de 3 mois à 2 ans dans une plante sans que les symptômes ne se déclarent.

Symptômes

S'attaquant directement au phloème des plantes en question, cette maladie se matérialise au début par des symptômes visibles sur les parties aériennes. Ils sont semblables à ceux provoqués par une carence en magnésium, zinc, fer ou manganèse. Cependant, à y regarder de plus près les décolorations du feuillage qui sont symétriques en cas de carences, sont asymétriques en présence de la bactérie.

  • Les bactéries responsables de la maladie de Huanglongbing se nourrissent de la sève ; les plantes ont donc du mal à se développer ce qui a un impact sur la production de fruits qui apparaissent déformés, souvent amers ou acides et de petits calibres.

  • Les feuilles présentent quant à elles, des décolorations asymétriques, elles arborent un aspect panaché ou marbré alors que les tiges jaunissent.

  • La mort des arbres affectés survient assez rapidement, d'autant que le moindre stress de culture (notamment un stress hydrique) accentuera leur fragilité à la maladie.

L'inquiétude était moindre en Europe car l'on croyait, jusqu'à une étude de décembre 2022 (2), que les insectes vecteurs n'étaient pas parvenus aux portes de la Méditerranée.

Une équipe de chercheurs a pourtant découvert que Trioza erytreae, le psylle africain observé déjà depuis cinq ans en Espagne et au Portugal, pouvait transmettre avec vigueur la bactérie la plus virulente (CLas) du HLB.

Le psylle africain des agrumes à la loupe

Trioza erytreae est un hémiptère ailé teinté de vert pâle dans son jeune âge, puis arborant une couleur brun/grisâtre par la suite. Cet insecte de très petite taille ne dépasse pas 2,5 mm de longueur, il est donc difficile à repérer.

Cet insecte piqueur-suceur, apprécie particulièrement les citronniers et les limettiers dont il perfore les feuilles pour en extraire la sève et s'en nourrir, c'est à ce moment qu'il peut contaminer les plantes par le biais de son rostre, s'il a dégusté au préalable une plante qui était atteinte de la maladie.

Ce psylle se plaît dans les zones situées au delà de 500 m d’altitude où il trouve les conditions fraîches et humides qu'il affectionne, par contre, des conditions chaudes et sèches ne lui conviennent pas vraiment.

Chaque femelle est capable de pondre jusqu'à 800 œufs sur les feuilles.

Les larves vont alors tranquillement se développer sur la face inférieure des feuilles, provoquant l'apparition de galles bien visibles sur le limbe lors de leur nymphose.

Les larves se présentent sous la forme de petits amas ovales jaune/orangé puis vert olive et enfin gris foncé lors de leurs cinq stades.

En y regardant de vraiment près, on peut distinguer de petits yeux rouges.

Au dernier stade larvaire, l'abdomen de la bête présente deux tâches brunes alors que le corps présente des soies cireuses blanches.

Les imagos brun/grisâtre et ailés vivront entre 17 et 50 jours selon les conditions climatiques, le temps de se reproduire.

La gestion du risque phytosanitaire

Selon un rapport de l'Anses datant du 25 avril 2019 (3), bien que la présence des bactéries responsables du HLB ne soit pas encore établie dans les pays européens, « le risque identifié est majeur et est donc jugé inacceptable ce qui nécessite la prise en considération de la gestion du risque phytosanitaire ». D'autant que Trioza erytreae, un des vecteurs de la maladie est bien présent en Espagne, au Portugal et à Madère où il a trouvé un terrain propice à son développement.

Le psylle ne pouvant se déplacer que sur un secteur maximal de 1,5 km en volant, il est nécessaire de prêter également une attention particulière sur le mode de transmission des bactéries par les activités humaines, notamment lors de la mise en place de greffons infectés sur un pied-mère. Les importations illégales de pieds greffés, notamment de Citrus spp. et de Murraya paniculata, accentuent encore ce risque de propagation du Greening des agrumes dans les pays européens cultivateurs d'agrumes.

Quelles sont les méthodes préventives à mettre en œuvre ?

Outre les mesures phytosanitaires existantes concernant les semences, les fruits et les plants destinés à la plantation provenant de l'importation, il est judicieux de mettre en œuvre des méthodes préventives dans les cultures européennes afin de limiter ce risque de propagation au maximum.

La surveillance aux frontières doit être renforcée afin d'empêcher toute introduction de matériel végétal contaminé sous quelle que forme que ce soit. Des mises en quarantaine suivies de tests de détection précoce devraient être mis en place afin de limiter l'introduction de plants infectés.

En préventif dans les vergers

Certaines plantes de la famille des Rutacées dont celle du genre Cuscuta doivent être arrachées lorsqu'elles sont à proximité des plantations d'agrumes car elles sont les plantes hôtes des bactéries responsables de cette épidémie.

Une mise en place de haies diversifiées en lisière de culture sera bénéfique afin de favoriser un équilibre privilégiant les prédateurs des psylles.

En lutte biologique, l'introduction de Tamarixia dryi, un hyménoptère capable de parasiter les psylles, et donc de diminuer drastiquement leurs populations, offre un espoir pour les producteurs.

Éviter l'introduction de plants greffés d'origine des pays infectés est une évidence dans les vergers, cependant certaines filières illégales et peu scrupuleuses ne se sentent pas concernée par le danger potentiel causé par la maladie et vendent des plantes potentiellement contaminées à des producteurs non informés ou peu regardants ; des contrôles plus stricts sont en passe d'être mis en œuvre pour palier à ce souci.

(1) HLB
(2) The African citrus psyllid Trioza erytreae: An efficient vector of Candidatus Liberibacter asiaticus
(3) Analyse du risque phytosanitaire pour l'Union Européenne - Anses

Article rédigé par Iris MAKOTO

Vos commentaires

Opusoculi le 14/02/2024 à 02:20
Je remercie aujardin.info pour cette alerte sur le dragon jaune. Elle est bien décrite circonstanciée et documentée. Je souhaite quelle reste consultable à toutes et tous. La prévention passe par une large information. Un jardinier prévenu en vaut deux.